Frapper légèrement la main d’un bébé pour corriger un comportement peut paraître banal, mais ce geste pourrait affecter son développement à long terme. Une analyse par Clémence Lisembard, directrice des opérations à la Fondation pour l’enfance.
En tant que parents, certaines actions nous semblent bénignes, telles que donner une petite tape sur la main d’un bébé pour montrer notre désapprobation face à un comportement inapproprié. Cependant, cette pratique peut influencer négativement son développement si elle devient habituelle.
Les violences éducatives ordinaires incluent tous les moyens coercitifs utilisés sur les enfants pour induire une bonne conduite. Elles se manifestent sous plusieurs formes :
- les violences verbales, telles que les moqueries, les injures ou les cris;
- les violences psychologiques, incluant les menaces, le chantage ou la manipulation;
- les violences physiques, comme les claques, les pincements ou les fessées;
- les violences affectives, qui comprennent les comparaisons désobligeantes, l’indifférence ou le manque d’affection.
« Ces pratiques reposent souvent sur une méconnaissance des besoins cognitifs et affectifs des enfants. Les parents peuvent mal interpréter les réactions des enfants, les percevant comme des caprices ou des crises, et répondent par la violence pour obtenir une bonne conduite », affirme Clémence Lisembard.
Pourquoi est-il risqué de frapper la main d’un bébé?
Une violence éducative ordinaire peut engendrer de multiples effets négatifs chez l’enfant. Selon la spécialiste, il est toutefois complexe de déterminer précisément l’impact de chaque type de violence sur les jeunes enfants. Il faut aussi considérer le contexte, la récurrence, la fréquence et l’intensité de ces actions.
Des troubles physiques et psychologiques peuvent découler de violences éducatives répétées. « On note des troubles physiopathologiques évidents, tels que des ulcères, des infections de la peau, des douleurs persistantes ou de l’asthme. Sur le plan mental, cela peut se traduire par une faible estime de soi, un risque accru de pensées suicidaires, parfois dès l’enfance, une tendance à l’agressivité ou un sentiment de culpabilité. Des études récentes ont également révélé des effets épigénétiques, suggérant que ces violences pourraient modifier les gènes. Des impacts sur le cortisol, l’hormone du stress, la santé mentale et le vieillissement cellulaire ont été observés. Les conséquences de ces violences pourraient donc affecter les générations futures », explique Clémence Lisembard.
La tape sur la main : cette forme de violence peut-elle s’aggraver ?
Il est crucial de distinguer une tape donnée pour interrompre un comportement et inciter à l’obéissance, d’un geste impulsif non prémédité. Dans ce dernier cas, un parent peut réagir instinctivement pour protéger l’enfant d’un danger imminent, comme s’il s’apprêtait à toucher une surface brûlante. Dans ce contexte, la réaction du parent est guidée par la peur et se manifeste par un geste abrupt, sans intention de nuire. Pour que l’enfant comprenne, il est essentiel que le parent s’excuse et lui explique la raison de son geste, en soulignant qu’il ne s’agit pas d’un comportement à reproduire.
Cependant, frapper la main d’un bébé dans le but de le faire obéir est problématique. « Ce type de violence est plus susceptible de se répéter et de s’intensifier. De plus, l’enfant va certes cesser son comportement à ce moment, mais il ne comprendra pas la raison de ce geste. Au-delà des effets épigénétiques, cela constitue aussi un modèle éducatif que l’enfant pourrait intégrer et reproduire plus tard dans sa propre famille, ainsi que dans ses relations sociales et professionnelles », analyse Clémence Lisembard.
Quels sont les signes alarmants de maltraitance infantile?
Plusieurs indicateurs peuvent signaler une éventuelle maltraitance infantile. Un enfant vivant dans un environnement violent peut être extrêmement réservé et hésitant à explorer son entourage, se montrant souvent très calme et évitant le contact avec les autres par sentiment d’insécurité. « Il est important d’encourager les adultes à poser des questions et à intervenir s’ils observent des comportements inquiétants. Il incombe à chacun de protéger les jeunes. Les violences sont préjudiciables à leur développement et, de plus, illégales. Si les témoins ne se sentent pas capables d’agir directement, ils peuvent se tourner vers les autorités présentes, telles qu’un agent de sécurité dans les transports ou un policier dans la rue », recommande Clémence Lisembard.
Comment signaler une situation préoccupante?
En cas de soupçon de violence envers un enfant, il est possible de faire un signalement en contactant le 119, le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger. Bien que cette démarche puisse être difficile, de peur de briser une famille et de voir les enfants placés, « il est crucial de protéger l’enfant en alertant des professionnels qui prendront en charge la situation pour l’évaluer. Certains parents agissent violemment par ignorance du développement approprié de l’enfant et par manque de ressources. En tant que professionnels, nous avons un rôle clé à jouer pour les soutenir et les outiller. Cela peut leur donner l’opportunité de changer avant que la situation ne s’aggrave ou que l’enfant ne soit placé suite à une escalade de violence », conclut l’experte.