Le coussin anti-tête plate pour nourrissons : nécessité ou risque ?

L’arrivée d’un enfant incite souvent les parents à acquérir divers équipements de puériculture. Cependant, il est parfois compliqué de déterminer la réelle utilité de ces accessoires. Le coussin anti-tête plate, qui est censé réduire le risque de plagiocéphalie, soulève des interrogations.

Plusieurs éléments peuvent causer une déformation crânienne chez un nourrisson. « Cela peut être lié à la grossesse, une mauvaise position du fœtus ou une grossesse multiple… Des complications post-accouchement peuvent également survenir », affirme le Dr Patrick Aubé, médecin généraliste et auteur. Le fait de coucher les bébés sur le dos est aussi une cause de plagiocéphalie, car la partie arrière de leurs têtes repose constamment sur une surface dure, ce qui peut entraîner un aplatissement et une asymétrie. Face à cette situation, les fabricants ont mis sur le marché des coussins anti-tête plate.

Présents sur le marché depuis quelques années, les coussins anti-tête plate sont conçus pour diminuer les risques de plagiocéphalie associés à la position dorsale, tout en aidant à maintenir la tête du bébé ronde. Certains modèles sont fabriqués en coton bio et intègrent une mousse à mémoire de forme pour rehausser la tête du bébé, tandis que d’autres possèdent une forme ergonomique et sont remplis de microbilles, favorisant ainsi le mouvement et le renforcement de la nuque du bébé. Certains modèles inclinés sont spécialement conçus pour exercer une pression uniforme sur le crâne tout en préservant la rondeur de la tête.

Certains coussins sont développés avec l’aide de pédiatres et sont recommandés par les fabricants pour une utilisation dès la naissance et pour les 4 à 6 premiers mois, jusqu’à ce que le bébé soit capable de se retourner seul.

Il est crucial de retirer le coussin du lit dès que l’enfant commence à bouger la tête ou à se retourner, et non pas de le conserver jusqu’à 6 mois comme certains fabricants le suggèrent. Le risque est que le bébé enfouisse son visage dans le coussin, surtout si ce dernier est à mémoire de forme, ce qui pourrait entraver sa respiration.

Il est possible d’acquérir des coussins anti-tête plate dans de nombreux magasins et boutiques en ligne. Certains sont fabriqués en Europe avec des matériaux écologiques et sont soumis à des tests de sécurité, mais il n’y a pas de normes spécifiques pour ces produits.

Le Dr Aubé met en garde : « Il y a une différence entre un coussin de qualité et un importé de manière douteuse. De plus, face à cette abondance de produits, les parents pourraient croire que l’utilisation d’un coussin anti-tête plate est indispensable pour prévenir la plagiocéphalie, bien que ce phénomène soit en réalité assez limité ». Pire encore, il pourrait constituer un danger selon les autorités sanitaires.

Les opinions concernant l’efficacité et la sécurité des coussins anti-tête plate sont partagées. Les fabricants affirment qu’ils sont sûrs pour les nourrissons et n’ont reçu aucune plainte concernant leur dangerosité. Ils prétendent également que ces coussins favorisent la mobilité de la tête et réduisent le risque de plagiocéphalie.

Cependant, l’opinion générale diffère. « La plupart des experts, y compris la HAS, les pédiatres et les ostéopathes, considèrent que ces coussins sont inutiles. Ils représentent même un risque potentiel. La directive actuelle pour combattre la mort subite du nourrisson est claire : aucun objet ne doit être présent dans le lit qui pourrait poser problème. Le coussin pourrait amortir la position de la tête sur une surface dure, mais cela ne modifie en rien les recommandations de la Haute Autorité de Santé », ajoute le Dr Aubé.

La HAS, dans sa fiche mémo sur la prévention des déformations crâniennes positionnelles et la mort inattendue du nourrisson, publiée en février 2020, rappelle que « les dispositifs de positionnement (cale-bébé, cale-tête, coussins de positionnement, réducteurs de lit, etc.) sont inutiles, nocifs et dangereux, car ils peuvent favoriser le retournement ventral et augmentent le risque de décès par suffocation. Les objets (doudous, peluches, couettes, couvertures, etc.) susceptibles de couvrir, d’étouffer ou de confiner l’enfant doivent être évités ». Ces mesures visent à réduire les risques de suffocation.

Il est possible de prévenir le risque de plagiocéphalie sans recourir à un dispositif controversé (le cale-tête) dans le lit du bébé. « Le bébé doit exercer ses muscles du cou afin de les renforcer et d’améliorer sa posture crânienne. Durant la journée, lorsque les parents sont présents, ils peuvent placer le bébé sur le ventre pour stimuler le renforcement musculaire du cou », suggère le Dr Patrick Aubé.

Lorsque le bébé est sur un tapis d’éveil, placer des jouets autour pour l’encourager à tourner la tête de chaque côté est une bonne pratique. Il faut éviter de le laisser trop longtemps dans son transat ou sa poussette pendant la journée, et privilégier autant que possible son activité physique. Lors de l’allaitement au biberon ou au sein, il est conseillé de varier les positions pour favoriser la rotation de la tête de chaque côté.

Pour prévenir la plagiocéphalie, il est également bénéfique d’installer des mobiles au-dessus du lit du bébé afin qu’il dirige son regard d’un côté à l’autre. Changer l’orientation du lit ou alterner les positions du coucher peut aussi aider à réduire le risque de plagiocéphalie.

Depuis les années quatre-vingt-dix, les autorités sanitaires conseillent de faire dormir les bébés sur le dos afin de diminuer les risques de mort inattendue du nourrisson. Cette pratique a permis de réduire significativement le nombre de décès chez les nouveau-nés. Toutefois, elle a également augmenté les cas de plagiocéphalie. Certains craignent que cela puisse causer à moyen ou long terme des troubles tels que des déformations de la mâchoire, des problèmes de langage ou des scolioses.

Face aux préoccupations des parents, la Haute Autorité de Santé et le Conseil National Professionnel de Pédiatrie ont publié le 5 mars 2020 un communiqué précisant que « ces déformations crâniennes sont bénignes et n’ont aucune conséquence autre qu’esthétique : les données scientifiques démontrent qu’il n’y a aucun lien de causalité entre une plagiocéphalie et un retard neuro-développemental, des troubles spécifiques ophtalmologiques, oculomoteurs ou vestibulaires ». La HAS souligne aussi que la plupart du temps, ces déformations disparaissent à l’âge de 2 ans lorsque la mobilité spontanée de l’enfant est préservée. Cela représente également une opportunité d’action pour les parents.